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La dissertation sur corpus : un projet inadéquat et nuisible qui doit être abandonné

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L’APPEP a pris connaissance du projet de définition des épreuves de philosophie pour le baccalauréat 2021.

Parmi celles-ci, figure l’introduction d’un nouvel exercice : la dissertation sur corpus, qui viendrait, dans la voie générale, remplacer l’un des sujets de dissertation.

La dissertation sur corpus n’est pas adaptée à l’examen

Cet exercice a certainement des vertus pédagogiques et de nombreux professeurs le proposent à leurs élèves. Mais ce qui a une pertinence pendant l’année, où les textes proposés pour soutenir et prolonger la réflexion ont un lien avec le cours et font l’objet d’une reprise, ne fait pas pour autant un bon exercice à l’examen.

La dissertation sur corpus compliquera excessivement la conception des sujets. Les commissions de sujets devront en effet, une fois choisi le sujet de dissertation, s’entendre sur des textes adéquats, qui ne devront pas être trop nombreux, mais néanmoins recouvrir toutes les interprétations possibles de la question posée, sans être trop longs et en restant accessibles aux élèves.

Elle brouillera l’évaluation, au point de la rendre aléatoire. Les correcteurs n’auront pas seulement à s’entendre sur l’interprétation du sujet de dissertation, mais également sur celle de chacun des textes et sur l’usage que l’on peut en faire. Ils devront également décider s’ils sanctionnent ou non un candidat qui aura réussi une bonne dissertation sans avoir fait usage des textes.

La dissertation sur corpus contrevient donc aux « exigences d’un examen national assurant une évaluation équitable des efforts des élèves et de leurs acquis » pourtant inscrites dans le programme publié le 25 juillet 2019.

Il est au demeurant singulier que cette forme de sujet soit projetée en philosophie au moment même où elle est abandonnée en français parce qu’elle ne permet pas une évaluation fiable des copies.

La préparation impossible de trois exercices différents

La dissertation sur corpus incite les élèves à comparer des thèses, ramenées, faute de mieux en temps limité, aux formulations qu’ils auront trouvées dans les textes, reléguant au second plan et fragilisant tout travail substantiel de réflexion tel qu’il est demandé dans la dissertation.

Mais en réduisant les textes à n’être que des points d’appui ou des réservoirs d’arguments pour une disputatio, elle s’éloigne également de l’explication de texte.

Ni dissertation, ni explication de texte, la dissertation sur corpus est donc un exercice spécifique d’une grande technicité. Les professeurs devront ainsi préparer leurs élèves à trois exercices, qu’il faudra d’autant plus rigoureusement distinguer qu’ils sont proches. Qui peut sérieusement penser qu’ils en auront le temps ? et que les distinctions méthodologiques introduites à cette occasion seront d’un quelconque bénéfice à l’apprentissage philosophique des élèves ?

Un exercice en contradiction avec le programme

Le programme qui s’appliquera à la rentrée 2020 dispose que « les apprentissages reposent sur deux formes majeures de composition : l’explication de texte et la dissertation ». Ces deux exercices complémentaires invitent l’élève « à développer un travail philosophique personnel et instruit par l’étude des connaissances acquises par l’étude des notions et des œuvres ». Ils sont appropriés au programme de notions, et faisables par les candidats, sous réserve de sujets bien choisis.

En revanche, le troisième exercice projeté, en demandant au candidat d’appuyer sa réflexion sur des extraits d’œuvres, rend exagérément difficile la mise en œuvre d’une « pensée propre, déployée en un discours continu dont il prend la pleine responsabilité ».

En outre, contre les objectifs légitimes du programme, la dissertation sur corpus diminuera les lectures personnelles des élèves, qui seront convaincus de leur inutilité pour au moins deux sujets sur trois.

Enfin, la dissertation sur corpus comme sujet d’examen est incompatible avec un programme de notions, et n’est éventuellement pertinente qu’avec un programme d’histoire de la philosophie. Sans connaissance de la doctrine de l’auteur, la comparaison de textes se réduit en effet à une mauvaise doxographie.

 

Introduire ce nouvel exercice lors de la session 2021 de l’examen reviendrait donc à piéger les 400 000 candidats de la voie générale, en leur proposant un exercice inadéquat.

C’est pourquoi, à moins de contredire la lettre et l’esprit du programme, et de transformer complètement le cours de philosophie, la dissertation sur corpus ne peut être proposée au baccalauréat.

Réuni à Paris le 28 septembre 2019, le Bureau national de l’APPEP a voté à l’unanimité une motion désapprouvant l’introduction de ce nouvel exercice.

L’APPEP demande que ce projet soit définitivement abandonné.

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