V.7 – La laïcité à la recherche de points d’équilibre

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Pour la philosophe Laurence Loeffel, la laïcité doit assumer sa « fragilité congénitale » qui la porte à vouloir rassembler durablement sans reposer sur une religion ni une idéologie. Aussi, est-elle conduite à rechercher en toutes circonstances des « points d’équilibre ». 

 

La laïcité scolaire en France ne s’est voulue ni une religion de substitution, ni une idéologie. Elle ne s’est pas forgée comme un système de pensée ou une option spirituelle parmi d’autres, ce qui fait d’elle un principe foncièrement libéral situé en surplomb des particularismes et du pluralisme des opinions et des croyances. En cela, elle est garante d’un équilibre entre la sphère de ce qui est commun à tous et celle des particularismes. L’équilibre entre visée universelle et particularisme était rendu possible par une éducation du citoyen fondée sur une hiérarchisation des appartenances soutenue par la sacralisation de ce qui rassemble et le silence sur ce qui divise. L’équilibre entre émancipation et appartenance, par la croyance selon laquelle réaliser la République, et même aimer la patrie, c’était s’inscrire dans le mouvement d’émancipation de l’Histoire. La solidarité à travers le temps et l’espace a aussi en la matière joué son rôle. L’équilibre entre identité et pluralisme tendait à faire coexister sans contradiction une conception partagée de la mémoire, du territoire et du pouvoir avec des croyances et des identités différentes.

La laïcité a ainsi fonctionné comme une limite séparatrice. De chaque côté de la limite, deux versants : extérieur et intérieur. Extérieurement, elle garantit la liberté et l’égalité, dans l’enceinte de l’école. Elle délimite l’espace public. Intérieurement, elle oblige à la formation d’une identité laïque des enseignants. C’est le versant éthique et déontologique de la laïcité sur lequel a tant insisté l’historien Claude Nicolet.

Aujourd’hui cet équilibre est rompu et la vocation de la laïcité à articuler l’unité et la diversité, dimension essentielle de la figure classique du citoyen, met à jour sa fragilité congénitale.

 

Laurence LOEFFEL, « La laïcité et l’éducation du citoyen : le lien en questions », dans Laurence Loeffel (éd.), École, morale laïque et citoyenneté aujourd’hui, Septentrion, Presses universitaires, 2006, pp. 103-104.

 

V.8 – Le lieu scolaire préservé pour l’esprit critique

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