L’Appep a été informée par les membres du jury du Capes externe 2023 de l’intention, signifiée à sa présidente Sylvia Giocanti par la Direction des ressources humaines, de ne pas la reconduire dans ses fonctions.
À en croire les premières explications données, Sylvia Giocanti se serait rendue coupable d’un manquement en procédant à la proclamation orale des résultats quelques heures avant leur publication officielle, proclamation qui s’expliquait par la présence d’une centaine de candidats qui avaient été conviés par l’administration à s’entretenir avec le jury (selon le principe dit de la « confession »).
Étant donné l’extrême rigueur et avec quel dévouement Sylvia Giocanti a conduit par ailleurs sa tâche à la tête du jury, cette explication alléguée au départ serait en elle-même un motif légitime d’indignation.
Les explications récemment apportées par le directeur des ressources humaines du ministère en réponse à une lettre de protestation de l’ensemble du jury font apparaître le réel motif de cette éviction : le désaccord de l’administration avec l’interprétation et l’évaluation par le jury du Capes externe de philosophie de la deuxième épreuve d’admission.
Rappelons les faits. Sous le fallacieux prétexte de rendre le métier plus attractif en le « professionnalisant », la dernière réforme du Capes externe a drastiquement diminué la part disciplinaire de ce concours. La deuxième épreuve d’admission, dont le coefficient pèse plus lourd que chacune des deux épreuves écrites, s’apparente désormais à un entretien d’embauche : le jury est supposé évaluer, pêle-mêle, la pertinence du projet professionnel du candidat eu égard à son parcours antérieur, son aptitude à réagir à une situation « de classe » et « de vie scolaire », sa capacité à s’approprier les valeurs de la République et « les exigences du service public » ainsi qu’à les « faire connaître » et les « faire partager ». Comme il se doit, cette épreuve qui n’en est pas une a été introduite grâce à la suppression d’une épreuve effectivement professionnelle, l’explication de texte. Pour départager les admissibles sur des critères disciplinaires et professionnels, il ne reste que la leçon.
L’Appep avait protesté, dès son annonce puis à de nombreuses reprises, contre une réforme qui rompt avec l’exigence d’excellence disciplinaire qui doit être celle d’un concours de recrutement de professeurs et qui abaisse les principes et valeurs qu’elle prétend défendre en en faisant un objet de récitation voire de verbiage.
L’Appep avait par ailleurs souligné à quel point cet entretien attente au principe d’équité entre les candidats. Il est en effet impossible de déterminer les critères d’évaluation d’une épreuve qui vise à sonder les reins et les cœurs, et qui met en situation d’inégalité des candidats qui ont une connaissance très diverse des situations scolaires concrètes.
C’est face à ce mode de sélection dont la définition générale est si peu acceptable que le jury du Capes externe de philosophie a fait le pari d’une association possible de la rigueur intellectuelle à la rigueur professionnelle. Celui-ci a tâché, sous la présidence de Sylvia Giocanti, de faire de cette épreuve d’entretien un temps où le candidat est incité à aborder en professeur de philosophie les situations suggérées. Occasion lui est ainsi donnée de montrer que c’est sa maîtrise des contenus de sa discipline qui lui permet d’être un professeur pertinent. Le rapport 2022 du jury du Capes détaille l’esprit et les critères de l’évaluation conduite.
De toute évidence, la direction des ressources humaines du ministère n’a pas goûté ces redéfinitions et ajustements. Le ministère a plutôt fait la preuve de sa disposition à faire prévaloir, contre l’expertise de praticiens chevronnés autant que contre l’équité, sa conception incohérente d’un concours de recrutement de professeurs, et tout autant sa persévérance à écarter quiconque ne s’y soumettra pas. Qu’importent, à cette aune, l’autonomie intellectuelle et scientifique d’un jury et les mérites de sa présidente !
Face à un tel état de choses, l’Appep, tout en s’associant pleinement aux demandes de reconduction de Sylvia Giocanti, se doit de constater l’inévitable fragilité de toute tentative d’ajustement de l’épreuve d’entretien avec le jury.
En conséquence, l’Appep réitère sa demande d’un retour à des épreuves disciplinaires. Parce que le métier ne s’improvise pas et que les premières années d’exercice sont notoirement d’une lourdeur extrême, l’Appep demande en outre au ministère que les professeurs bénéficient d’un service allégé durant leur année de stage. Elle demande, enfin, que leurs aptitudes professionnelles soient évaluées par l’Inspection.
Plus largement, l’Appep renvoie à la réflexion de fond menée, dans le cadre de la Conférence des associations de professeurs spécialistes, sur le recrutement des professeurs.