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Communiqué sur la réforme du baccalauréat et du lycée

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L’APPEP a pris connaissance de la réforme du baccalauréat et de celle du lycée qu’elle induit.

Le maintien de la philosophie comme épreuve terminale pour tous les candidats au baccalauréat des voies générales et technologiques répond favorablement à une préoccupation constante de L’APPEP. Il ne constitue pas une faveur concédée aux professeurs de philosophie, mais la reconnaissance des enjeux démocratiques et républicains d’un enseignement de la philosophie qui, à travers l’étude des notions les plus communes et les mieux partagées, offre aux élèves l’occasion de se poser les questions que tout homme se pose.

Dans la voie générale, l’enseignement de la philosophie conserve, ou retrouve, l’horaire minimal en deçà duquel son enseignement est difficile : un échange vivant, soucieux de s’adresser aux élèves et de prendre patiemment en considération leurs objections et leurs résistances légitimes, exige du temps. Une ancienne et constante demande de l’APPEP est ainsi satisfaite.

L’APPEP se félicite également que le service des professeurs ne soit pas davantage émietté par une introduction générale de l’enseignement de la philosophie en amont de la Terminale, conformément à une demande formellement adressée par l’APPEP à la mission Mathiot.

Elle approuve l’abandon de la semestrialisation et le système complexe de majeures et de mineures envisagé par le rapport Mathiot.

Ces éléments de satisfaction sont le résultat d’une action résolue de l’APPEP depuis l’automne dernier. Elle a su mobiliser les professeurs de philosophie en les alertant des dangers inhérents à la réforme, a contribué à unir les associations de professeurs spécialistes, a alerté les universitaires, et n’a cessé de rappeler à tous ses interlocuteurs ministériels, notamment au ministre et à son directeur de cabinet, les besoins des professeurs de philosophie.

Malgré ces points positifs et les promesses réitérées du ministre de renforcer l’enseignement disciplinaire et, avec lui, la formation intellectuelle des élèves, l’APPEP ne peut, à ce stade, se satisfaire de cette réforme.

Le contrôle continu

Comme bon nombre d’associations de spécialistes, l’APPEP s’est toujours opposée au contrôle continu, qui tend à produire des diplômes d’établissement. Elle a eu l’occasion de montrer à la mission Mathiot que, quelle que soit la solution retenue, cela déboucherait sur des diplômes d’établissement et contribuerait à désorganiser les lycées.

À certains égards, elle peut considérer que ses demandes et celles de la Conférence des associations de professeurs spécialistes ont été entendues. C’est sous la forme d’un contrôle en cours de formation encadré nationalement que les candidats seront évalués : les sujets seront tirés au sort dans une banque nationale, les copies anonymes, et corrigées par un autre professeur que celui de l’élève. Le contrôle continu, sous la forme de la prise en compte des bulletins scolaires, représentera 10 % du baccalauréat.

Les « épreuves communes »

Cette solution ne va pourtant pas sans problèmes, que l’APPEP a d’emblée pointés lors de l’audience auprès du directeur de cabinet de Jean-Michel Blanquer : que deviendront les enseignements des disciplines passées en « épreuves communes » en décembre, qui compteront pour 30 % du baccalauréat ? Il est peu probable que les lycéens trouvent dans la perspective que leurs bulletins soient pris en compte pour 10 % du baccalauréat la motivation suffisante pour assister aux cours. On prend ainsi le risque de créer un absentéisme massif et inédit pour les six derniers mois de l’année, qui risque de déséquilibrer l’organisation des établissements si 30 % des évaluations « utiles » pour le baccalauréat sont terminées en décembre.

Plus généralement, les échéances prévues pour le contrôle en cours de formation ne semblent pas pertinentes. Il paraît indispensable, pour valoriser les progrès des élèves, que les résultats obtenus en Terminale comptent plus que ceux qui l’ont été en Première, et que ceux obtenus vers la fin de l’année de Terminale comptent plus que ceux qui l’ont été beaucoup plus tôt dans l’année. Cette hiérarchie est toujours respectée lors de l’examen des livrets scolaires dans les délibérations du baccalauréat. Quelle que soit la configuration de l’examen, il faut qu’elle continue de l’être. Un exemple en illustre la nécessité avec une force particulière : qu’en serait-il, sinon, des « enseignements facultatifs » que les élèves ne commencent qu’en Terminale ? Interroger en décembre des élèves qui ont découvert l’enseignement « Droit et grands enjeux du monde contemporain » en septembre n’aurait aucun sens.

Cette réforme du baccalauréat affaiblit donc les disciplines qu’elle prétend pourtant renforcer, puisque pour l’histoire-géographie, les langues vivantes, les humanités numériques, l’EMC et les enseignements facultatifs, les évaluations « utiles » pour le bac et l’orientation seront à peu près terminées en décembre, réduisant l’année scolaire à quatre mois.

La transformation du lycée

Avec la disparition des filières, les élèves seront plus libres de choisir leurs spécialités, ce qui constituera une difficulté supplémentaire, puisqu’ils devront anticiper, Parcoursup oblige, leurs études supérieures. L’information prévue dès la Seconde, à raison d’une heure et demie par semaine, ne constitue pas une réponse adaptée : il n’est pas raisonnable de demander à un adolescent de 15 ans de se projeter dix ans plus tard. Le cursus scolaire n’est pas fait principalement pour répondre à des goûts déjà existants, mais pour permettre à chaque élève d’en découvrir de nouveaux et d’élargir ses centres d’intérêt.

La disparition des filières sera aussi celle des classes qui ont un effet porteur et structurant pour les élèves, et facilitent leur travail. Elle conduira inévitablement à la généralisation de groupes à effectifs pléthoriques.

L’APPEP s’inquiète de l’accentuation de la concurrence entre les disciplines. Elle considère que celle-ci contribuera à l’affaiblissement du baccalauréat : les professeurs seront condamnés à évaluer les élèves en tirant artificiellement les notes vers le haut pour que la discipline qu’ils enseignent soit choisie l’année suivante.

La place de la philosophie dans le nouveau lycée

Célébrée dans les discours, la philosophie risque d’être fragilisée. Certes, l’horaire en tronc commun garantit un « socle commun » philosophique à tous les élèves des séries générales. Mais ce caractère exceptionnel de la philosophie, seule discipline enseignée jusqu’à la fin du mois de juin ne va pas sans ambiguïté.

Que deviendra l’enseignement de la philosophie dans un lycée qui risque de voir croître un absentéisme massif après les « épreuves communes » passées en décembre, et qui sera déserté après celles de spécialité en mai ?

L’APPEP s’inquiète de la prévisible réduction des délais de correction de l’épreuve terminale de philosophie, alors qu’ils sont aujourd’hui très insuffisants. Plus généralement, elle est préoccupée par l’accroissement de la charge de correction des professeurs de philosophie, qui auront à évaluer les épreuves de spécialité en concertation avec les professeurs de lettres, ainsi qu’à participer aux jurys du nouvel oral pluridisciplinaire introduit par la réforme.

La philosophie comme spécialité

La philosophie n’apparaît que dans une seule spécialité « Humanités, lettres, philosophie », associée aux lettres.

Ce qui fonctionne imparfaitement dans les classes préparatoires commerciales et scientifiques est difficilement transposable en Première et Terminale, au moment même où les élèves découvrent la philosophie : il semble difficile, à un niveau élémentaire d’enseignement, de faire corriger les copies d’examen indifféremment par un professeur de philosophie ou un professeur de lettres.

L’APPEP rappelle qu’il y a aujourd’hui plus de 2 300 Terminales L en France. La seule spécialité « Humanités, lettres, philosophie » risque de ne pas connaître un tel succès puisque les élèves qui choisissent aujourd’hui la L auront demain la possibilité de choisir des combinaisons qui n’intégreront pas cette spécialité.

L’APPEP conteste l’opinion courante selon laquelle la philosophie serait responsable du déclin de la Terminale L, alors que cette discipline a au contraire empêché son effondrement après les réformes des années 2000.

Le système de rotation des Terminales L entre tous les professeurs d’un établissement, demandé de longue date par l’APPEP et devenu de règle dans la plupart des lycées, permet aux professeurs de philosophie de bénéficier souvent d’un service de trois classes, qui leur offre le loisir de lire, écrire et, ainsi de renouveler leurs cours et leur réflexion. Ce dispositif bénéficie à tous les élèves de toutes les séries.

L’enseignement de spécialité ne pourra donc être soutenu par l’APPEP que s’il permet effectivement de proposer un enseignement d’une qualité au moins égale à celui que rend possible l’existence de la série L aujourd’hui.

Le silence sur les séries technologiques

Les séries technologiques ne sont pas touchées par la réforme.

Il est pourtant difficile de faire de la philosophie une épreuve universelle et de louer son esprit critique sans améliorer les conditions de l’apprentissage des élèves des séries technologiques. Il est donc urgent de rétablir le dédoublement systématique et nationalement garanti d’au moins une heure de philosophie. La voie technologique ne saurait être laissée à l’abandon. Elle doit, tout autant que la voie générale, relever le défi de l’évolution des savoirs scientifiques et permettre aux élèves d’affronter les problèmes de leur sens à partir d’une réflexion sur les questions essentielles que tout homme se pose.

Les demandes de l’APPEP

  • Les « épreuves communes » doivent être organisées à la fin de l’année.
  • L’épreuve de philosophie doit être organisée avant que ne commence l’oral final.
  • Pour que l’anonymat des copies des « épreuves communes » soit réellement garanti, les correcteurs ne doivent pas enseigner dans le lycée des candidats.
  • La philosophie doit être associée aux spécialités Arts, Histoire géographie-géopolitique-sciences politiques, Langues et littérature étrangères, Sciences économiques et sociales. La possibilité d’un appariement avec une discipline scientifique doit être offerte aux élèves.
  • La spécialité « Humanités, littérature et philosophie » doit être proposée dans tous les lycées.
  • Une répartition horaire égalitaire entre les lettres et la philosophie doit être fixée nationalement, 2 heures pour chaque discipline en Première, 3 heures en Terminale.
  • Le dédoublement national et garanti d’au moins une heure d’enseignement doit être rétabli dans les séries de la voie technologique.
  • Le nouveau programme d’EMC doit, davantage encore que l’actuel, tenir compte de la présence de la philosophie en Terminale.
  • La philosophie doit prendre part au nouvel enseignement « Humanités scientifiques et numériques », qui implique une réflexion à la fois éthique et épistémologique.
  • Un programme des notions les plus communes doit être poursuivi. On ne peut faire de la philosophie une épreuve universelle sans amener les élèves à opérer un retour réflexif sur l’usage du langage, de façon à clarifier leurs pensées et fonder rationnellement leurs idées.
  • L’APPEP demande à être entendue par le Conseil supérieur des programmes (CSP) ; elle demande également que tous les professeurs de philosophie soient informés de ses travaux et consultés sur les programmes, une fois que leurs maquettes seront confectionnées.

L’APPEP salue et remercie tous ceux qui se sont mobilisés avec elle ces dernières semaines. Elle les appelle à la vigilance pour les mois qui viennent.

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