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Appel à contribution: l’oralité

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L’Enseignement philosophique, revue à comité de lecture, publiée trimestriellement sous la responsabilité de l’APPEP, lance un appel à contribution pour un numéro thématique sur l’oralité. Les articles, d’une longueur maximale de 30000 signes espaces et notes comprises, devront être adressés au plus tard le 15 octobre 2023 au secrétariat de rédaction : revue@appep.net, pour une parution à l’hiver 2023-2024.

L’oralité peut tout d’abord être envisagée comme pratique ayant des effets spécifiques. L’acte de langage, de quelque ordre qu’il soit (expression, communication, interrogation, domination…) semble alors se caractériser par une immédiateté dont on peut par exemple se demander dans quelle mesure elle favorise ou défavorise l’approfondissement de la réflexion, la sérénité du débat ou du dialogue, la transmission de la connaissance, etc. Dans quelle mesure l’oralité, comme modalité impliquant la présence mutuelle de corps multiples dans un espace et un temps sociaux plus ou moins maîtrisables, incite-t-elle à revisiter une conception du langage sans doute trop inspirée de l’écrit ? Qu’est-ce que l’oralité rend possible, en termes de liberté et de domination, elle qui est souvent conçue, de manière sans doute livresque, comme dialogue ?

On le voit, l’oralité tend toujours à être envisagée comme l’autre de l’écriture, ce qui ouvre un autre champ de réflexion avec les difficiles questions de leur causalité réciproque, de leur éminence relative ou encore de leur conflictualité. Étant donné que l’écriture n’est pas seulement l’acte de noter ce qu’on pourrait dire oralement ou ce qu’on estime avoir été dit, mais constitue aussi une pratique spécifique qui à son tour donne des règles à l’oralité, jusqu’à quel point cette distinction est-elle elle-même valide, praticable, utile ? Questions de prééminence aussi : est-ce l’écriture qui développe des potentialités de pensée rigoureuse que la parole orale (qu’on dit ordinaire) empêcherait de s’épanouir, ou est-ce à l’inverse le modèle de l’écriture (laquelle ?) qui contraint la parole humaine ? Dans quelle mesure la primauté donnée à l’écrit (par exemple sur le terrain juridique), qui peut avoir pour corrélat une dévaluation de l’oralité et de son immédiateté, peut-elle aussi contribuer à une dévaluation d’actes à forte portée éthique qui lui sont étroitement associés (l’engagement, la promesse…) et laisser en revanche le terrain libre à l’habileté rhétorique ou sophistique ? On pourra par exemple mobiliser ici certains enseignements de la pratique psychanalytique ou de la connaissance des sociétés sans écriture.

Si donc la distinction au premier abord évidente entre écriture et oralité fait problème (elle relève après tout d’une typologie que nous tendons à privilégier et dont on peut interroger les raisons), on peut s’interroger également sur l’idée de techniques spécifiques de l’oralité (dont par exemple les concepteurs du « grand oral » du baccalauréat postulent l’existence1). L’oralité est alors abordée, plus largement, comme compétence à acquérir. Quelles peuvent être, dans le domaine scolaire, les raisons de réaffirmer l’oralité face à un privilège (au moins apparent) accordé à l’écriture ? L’oralité doit-elle être réinvestie comme terrain sur lequel toutes les intelligences sont égales, comme le soutient Jean-Pierre Terrail qui conteste la thèse d’une école faisant dépendre la réussite scolaire de compétences acquises par certains seulement?2

Ce ne sont là que quelques pistes qui ne déterminent aucun programme de réflexion. Bien qu’une revue de praticiens de l’enseignement s’intéresse assez naturellement à la communication orale qu’est le rapport entre professeurs et élèves, toute manière d’aborder le thème est bienvenue, pour peu qu’elle concerne ou mette en œuvre la philosophie.

 

  1. Cyril Delhay, Rapport remis à Jean-Michel Blanquer le 19 juin 2019, préambule.
  2. J.-P. Terrail, De l’oralité. Essai sur l’égalité des intelligences, Paris, La Dispute/Snédit, collection L’enjeu scolaire, 2009.