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L’enseignement de la philosophie : toujours fondamental, jamais figé

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Le ministre de l’Éducation nationale a annoncé son intention de simplifier le baccalauréat en ramenant à quatre le nombre d’épreuves terminales. Les disciplines ainsi évaluées seront les « disciplines fondamentales de chaque série, afin de répondre aux exigences de l’enseignement supérieur »[1]. Les autres disciplines feront l’objet d’un contrôle continu. Dans l’esprit du ministre, cette réduction du nombre d’épreuves finales conduira à une revalorisation de l’examen.

Or, on ignore tout des disciplines qui seront jugées « fondamentales » dans chaque série, d’autant que les séries elles-mêmes seront redéfinies à l’occasion de la prochaine réorganisation du lycée, ou peut-être même supprimées dans un lycée annoncé « modulaire ».

Quelles conséquences faut-il attendre de cette réforme pour l’enseignement de la philosophie ? Si l’on s’en tient aux intentions affichées par le ministre, nous n’avons rien à redouter. Dans un message adressé, via Facebook, aux professeurs de philosophie, Jean-Michel Blanquer tient à faire savoir son attachement à cette « spécificité française » qu’est l’enseignement de la philosophie et assure qu’il fera l’objet d’une « attention particulière ». Faut-il être rassuré ?

Sur la réforme du baccalauréat, l’APPEP défendra la place de la philosophie parmi les épreuves terminales. D’abord parce que le contrôle continu conduira à des diplômes d’établissement et accroîtra les pressions locales des chefs d’établissement et des parents d’élèves sur les professeurs, jusqu’à les rendre insupportables. Ensuite, parce que la philosophie est à l’articulation du secondaire et du supérieur : elle s’inscrit donc exactement dans le projet dessiné par le ministre d’un examen qui réponde aux exigences de l’enseignement supérieur.

Sur la réforme du lycée, nous demanderons que la philosophie soit présente dans toutes les filières, et défendrons le principe « quatre heures minimum par élève, quatre classes maximum par professeur ».

Sur tous les sujets qui concernent l’enseignement de la philosophie, l’APPEP entend, bien sûr, être consultée, mais elle souhaite aussi que le ministère organise une concertation qui sollicite et engage la profession dans son ensemble. Les très nombreux collègues qui ont, cette année encore, répondu au questionnaire de l’APPEP sur le baccalauréat appellent massivement de leurs vœux cette réflexion collégiale.

L’exemple de la réforme des épreuves en série Sciences et techniques de l’hôtellerie et de la restauration (STHR) fait figure de contre-modèle. On se souvient que la DGESCO avait réuni en urgence l’APPEP, l’ACIREPh et l’inspection générale en mars dernier pour examiner une redéfinition de l’épreuve de philosophie du baccalauréat à l’occasion de la rénovation de la série STHR. Cette consultation expresse sur un projet déjà déterminé n’avait pas permis à l’APPEP de faire entendre ses propositions. Elle avait, en outre, vivement regretté que certains de ses amendements, entérinés lors de cette réunion, aient ensuite été annulés.

Nous connaissons, depuis quelques jours, les sujets zéro qui donnent corps à cette nouvelle épreuve du baccalauréat STHR. L’APPEP en publiera bientôt une analyse précise. Sans attendre, nous pouvons déjà affirmer que la nouvelle épreuve de composition, pédagogiquement intéressante, correspond à un exercice que l’on peut proposer aux élèves en cours d’année plutôt qu’à une épreuve d’examen. Le risque est en effet élevé que les questions posées soient claires pour leurs concepteurs et leurs élèves, mais restent énigmatiques pour ceux qui n’ont pas suivi leurs cours. Les difficultés liées au choix des sujets de dissertation, régulièrement repérés à la correction du baccalauréat, pourraient alors être multipliées.

L’APPEP prendra toute sa part dans le débat à venir, forte de la réflexion collégiale à laquelle elle a invité les adhérents de l’association depuis le printemps 2016. Ce travail substantiel a donné lieu à de nombreuses réunions dans les régionales, à des contributions collectives et individuelles et à un colloque national. Des orientations en seront tirées, qui seront soumises aux régionales et à la prochaine assemblée générale, le 2 décembre.

Chacun sera alors appelé à se prononcer, afin que, pour reprendre les mots du doyen Muglioni en 1973, « l’enseignement philosophique ne reste pas figé dans des formes ou des habitudes mal adaptées aux besoins et aux attentes, et qu’il fasse la preuve, en se renouvelant là où il le faut et comme il le faut, que sa nécessité tient aujourd’hui plus encore qu’hier, par-delà ses vertus simplement pédagogiques, aux exigences les plus actuelles du monde, de la vie sociale, de l’existence personnelle[2]. »

Nicolas FRANCK

Président de l’APPEP

21 octobre 2017

[1]. Jean-Michel Blanquer, L’École de demain, Odile Jacob, Paris, 2016.

[2]. Présentation d’une série d’émissions radiodiffusées à destination des professeurs de philosophie et de leurs élèves, reprise dans la Revue de l’enseignement philosophique, 23e année, n° 6, août-septembre 1975, p. 85.