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Audience auprès du Conseil supérieur des programmes

Publié le

À la demande de l’APPEP, Souâd Ayada, présidente du CSP, et David Bauduin, secrétaire général, ont reçu l’Association le 19 juin 2018. L’APPEP était représentée par Nicolas Franck et Marie Perret.


La philosophie comme « enseignement commun »

Nous rappelons les demandes que nous avions formulées dans la contribution adressée en avril au CSP: un programme de notions délimitées par leur inscription dans des champs qui ne soient pas eux-mêmes des notions, une diminution du nombre de notions, la réintroduction de notions relevant de la métaphysique. Nous demandons l’intégration de la notion de croyance, qui n’existe actuellement que dans le programme des séries de la voie technologique, dans le programme du socle commun. Nous demandons que la dissertation soit redéfinie dans le nouveau programme, pour la conforter et pour éviter un formalisme qui ne correspond ni aux attentes des professeurs, ni aux productions les meilleures des élèves.

Nos interlocuteurs nous confirment que le programme sera bien constitué de notions. Ils se montrent intéressés par l’introduction d’une définition de la dissertation dans le programme, qui la sorte du carcan formaliste et normé dans lequel ses détracteurs voudraient l’enfermer. Ils nous demandent de leur adresser une contribution sur le sujet.

La philosophie comme « enseignement de spécialité »

Le programme

Nous expliquons les raisons pour lesquelles nous demandons désormais un programme autonome pour la philosophie. Nous voulons ainsi empêcher que la spécialité « Humanités, littérature philosophie » conduise à un enseignement intégré et à une épreuve indifférenciée, corrigée aussi bien par un professeur de lettres que par un professeur de philosophie. Un programme commun ne peut garantir deux exercices distincts donnant lieu à une correction différenciée. Par ailleurs, nous souhaitons que la philosophie existe comme une « demi-spécialité » associée à d’autres disciplines dans le cadre de nouveaux enseignements de spécialité : aux mathématiques complémentaires et à DGEMC par exemple. C’est pourquoi nous voulons un programme de spécialité autonome.

Nos interlocuteurs nous informent que le groupe d’experts, dont la composition devrait être publiée d’ici la fin de la semaine, a commencé à travailler à l’élaboration d’un programme de spécialité [la composition des groupes chargés de l’élaboration des programmes est maintenant disponible]. L’appariement de la philosophie à la littérature paraît naturel à nos interlocuteurs, qui jugent contradictoire de défendre la filière littéraire tout en souhaitant l’association de la philosophie avec d’autres disciplines. Ce programme devra être suffisamment attractif pour inciter les élèves à choisir cette spécialité. Un programme totalement autonome nuirait à l’unité de celle-ci et n’aurait guère de sens pour les élèves qui la choisiraient.

Nous regrettons vivement cette orientation prise par le travail du groupe d’experts.

Le cadrage horaire

Nous rappelons notre exigence d’une stricte égalité dans le partage des heures entre la littérature et la philosophie, conformément au « scénario B » envisagé par le CSP dans sa Note d’analyses et de propositions sur les programmes du lycée et les épreuves du baccalauréat : 2 heures de philosophie en Première, 3 heures en Terminale. Nous expliquons pourquoi nous sommes défavorables au « scénario A » (1 heure en Première, 4 heures en Terminale). Cette répartition est déséquilibrée, affaiblit l’attractivité de la spécialité et invalide la possibilité d’un véritable enseignement en Première. Nous demandons que le « scénario B » fasse l’objet d’un cadrage national et s’applique dans tous les établissements. Sous couvert de « souplesse », l’organisation laissée au libre choix des chefs d’établissement soumet en effet les professeurs aux rapports de forces locaux et à l’arbitraire. Nous disons notre crainte que la spécialité « Humanités, littérature, philosophie » ne soit pas offerte dans tous les établissements et qu’elle soit peu choisie.

L’épreuve

Nous rappelons notre exigence d’une épreuve autonome de philosophie, corrigée par des professeurs de philosophie. Dans le cadre qui est imposé par la réforme, cela conduit à proposer deux exercices distincts de deux heures chacun, l’un de philosophie, l’autre de littérature, corrigés par un professeur de la discipline concernée. La proposition faite par le CSP dans sa Note nous semble inadéquate : laisser aux candidats la possibilité de choisir la discipline dans laquelle ils composeront les incitera à négliger l’autre discipline pendant l’année. Il est en effet peu probable qu’ils fassent leur choix le jour de l’épreuve, au vu des sujets. Cela conduira très vite le ministère à accorder davantage d’heures d’enseignement à la discipline la plus souvent préférée.

Nos interlocuteurs nous disent leur attachement à une épreuve de 4 h, seule à même de permettre à la pensée des candidats de se déployer. Le groupe d’experts réfléchit au format de l’épreuve. Ce point est particulièrement délicat. Il faut en effet concevoir deux types d’épreuves: une épreuve pour les élèves de Première qui décideront d’abandonner la spécialité à la fin de l’année scolaire (l’enseignement de spécialité ne donnant lieu à une « épreuve commune » que dans le cas où les élèves l’abandonneraient en fin de Première) ; une épreuve pour les élèves de Terminale. Deux exercices de deux heures semblent peu appropriés. Il est préférable de proposer aux élèves un seul sujet à traiter en quatre heures, à partir des connaissances qu’ils auront acquises en littérature et en philosophie. Pour garantir la spécificité disciplinaire, à laquelle nos interlocuteurs se disent attachés, cet exercice pourrait donner lieu à une double correction. La Dgesco, consultée sur cette éventualité, en examine la possibilité et n’y semble pas opposée.

Nous exprimons nos doutes. Un exercice unique effacerait les spécificités disciplinaires. Qui plus est, compte tenu des contraintes de gestion, il est peu probable que le dispositif de la double correction soit viable à long terme. Nous voyons mal, enfin, comment les deux correcteurs pourraient juger, à partir d’un même exercice, les qualités littéraires de la copie, d’une part et, d’autre part, ses qualités philosophiques. Quand bien même la double correction serait assurée de manière pérenne, elle ne peut être qu’artificielle.

Nos interlocuteurs nous demandent si, dans ces conditions, nous serions favorables à ce que le sujet (qui serait soit « littéraire » soit « philosophique ») soit tiré au sort une semaine avant l’épreuve commune. Nous répondons que ce procédé ne convient pas aux élèves, parce qu’il les incite à « parier » et que le travail que l’on exigera d’eux est incompatible avec la dimension aléatoire qu’un tel procédé introduirait. Nous redisons que ne voyons pas d’autres manières de garantir la caractère disciplinaire de l’enseignement de spécialité qu’en proposant deux exercices distincts de deux heures donnant lieu à une correction séparée.

L’Enseignement moral et civique

Nous demandons à nos interlocuteurs si les programmes d’EMC vont être modifiés. Nous rappelons que le programme de Terminale nous donne satisfaction : il prolonge le programme de philosophie et ménage une place importante à la laïcité. Or les élèves ont besoin d’un éclairage philosophique sur ce principe. Nous réitérons notre demande d’un fléchage : les professeurs de philosophie qui le souhaitent doivent pouvoir prendre en charge cet enseignement en Terminale.

Il nous est répondu qu’un groupe d’experts a été mis en place. Sa composition n’est pas encore officielle, mais des philosophes en font partie. Ce groupe a pour mission de rédiger de nouveaux programmes (qui entreront en vigueur à la rentrée 2019), en tenant compte du travail qui a été mené par le CSP sur l’EMC en Primaire et au Collège, en réfléchissant aux modalités de son évaluation, et en ménageant une place plus importante à l’enseignement du fait religieux.

Nous remercions nos interlocuteurs pour le temps qu’ils nous ont accordé et pour la qualité de nos échanges et regrettons vivement l’absence de toute solution aux problèmes que la réforme pose..

Compte rendu établi par Marie Perret, avec Nicolas Franck.