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À propos des Recommandations de l’IGEN sur HLP

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L’APPEP a pris connaissance des Recommandations conjointes des groupes Lettres et Philosophie de l’Inspection générale de l’Éducation nationale sur l’« Enseignement Humanités, littérature et philosophie » (HLP), adressées en février 2019 aux IA-IPR et aux professeurs de lettres et de philosophie. Ces Recommandations ont pour fonction d’esquisser ce que pourraient être les épreuves d’examen, de clarifier et compléter un certain nombre de points du programme HLP et de définir les attentes des IPR lors de leurs visites d’inspection.

Un horaire enfin garanti

La répartition égale de l’horaire hebdomadaire demandée par l’APPEP est enfin clairement et fermement affirmée : les élèves auront 2 h de lettres et 2 h de philosophie en Première, et de même 3 h de lettres et 3 h de philosophie en Terminale. Les Recommandations soulignent qu’il s’agit d’un « cadrage national prévalant de manière systématique ». À l’inverse de ce qui se préparait dans de nombreux établissements, il est précisé que « la distribution des heures ne fait pas l’objet d’une négociation ou d’un ajustement local, [qu’elle] n’est pas une variable de gestion ». Il est mis un terme à une situation d’incertitude horaire, entretenue par le caractère flou de la formulation du programme sur la question cruciale de l’horaire.

Certes, l’APPEP aurait préféré que ces indications claires figurent dans le préambule du programme publié au BO.

Mais elle se réjouit de cette clarification nécessaire, qui satisfait sa demande qu’elle jugeait fondamentale. Un horaire soumis aux rapports de force locaux n’aurait pas seulement aggravé les tensions dans les établissements. Il aurait rendu impossible un enseignement disciplinaire de philosophie, également garanti à tous les élèves, et aurait rendu inutile une correction disjointe des copies d’examen par un professeur de lettres et de philosophie.

Un enseignement disciplinaire toujours compromis

L’APPEP se réjouit également de voir enfin affirmée « l’exigence d’un enseignement disciplinaire authentique ». Il est précisé que les objets étudiés par les professeurs de lettres et de philosophie sont « construits, étudiés et réfléchis sous les perspectives théoriques et pédagogiques requises par leurs disciplines respectives ». Sur ce plan aussi, on sort de l’ambiguïté.

Mais la nature confuse du programme n’est pas à la hauteur de l’ambition affichée. Ni littéraire, ni philosophique, ce programme définit quatre thèmes dont « l’approche […] s’effectue, pour chaque semestre, en relation privilégiée avec une période distincte de l’histoire de la culture ». Les Recommandations confirment cette imposition de « périodes de références ». « Les allers et retours » autorisés entre les périodes privilégiées et « l’époque contemporaine » n’atténuent pas l’arbitraire et l’artificialité du choix de ces « ancrages historiques ». L’absence de rigueur historique de ce programme n’en fait certes pas un programme d’histoire ; mais cela ne suffit pas à en faire un programme de philosophie.

De même se demande-t-on s’il s’agit d’un programme de thèmes ou d’œuvres, de thèmes ou de notions. S’il y est dit que « chaque thème est abordé à partir de textes littéraires et philosophiques », les Recommandations semblent craindre que les « entrées notionnelles n’écrasent les œuvres ». Faut-il donc privilégier les thèmes du programme ou les œuvres de la période de référence ? Et les thèmes doivent-ils être traités comme des notions ? À six mois de la rentrée scolaire, un tel flou sur la nature d’un enseignement ouvrant à une épreuve au baccalauréat à fort coefficient, ne peut qu’inquiéter.

Une épreuve du baccalauréat très confuse

S’agissant de l’épreuve du baccalauréat, les Recommandations paraissent également s’arrêter au milieu du gué. En effet, un pas est franchi dans la bonne direction : les professeurs de lettres corrigeront la partie littéraire de l’épreuve et les professeurs de philosophie sa partie philosophique. C’est un progrès incontestable par rapport à l’exercice unique indifféremment corrigé par un professeur de lettres ou de philosophie initialement envisagé par le CSP. L’opposition résolue de l’APPEP à ce projet n’aura pas été vaine.

Mais il ne suffit pas de prévoir « une correction partagée ». Encore faut-il s’assurer de la clarté et de la pertinence de l’épreuve. La solution préconisée par l’IGEN est préoccupante. Il est en effet annoncé que les élèves devront apprendre quatre exercices : « L’épreuve du baccalauréat est systématiquement adossée à un texte et comporte une question de commentaire littéraire jointe à une question d’essai philosophique, ou unequestion de commentaire philosophique jointe à une question d’essai littéraire ». Les deux exercices qui concernent la philosophie ne sont pas seulement nouveaux pour les élèves, mais aussi pour leurs professeurs. Le texte sur lequel portera la « question de commentaire philosophique » ne sera pas, en effet, un texte philosophique tel que les élèves apprendront à en faire l’explication en Terminale, puisqu’il devra ouvrir à la possibilité d’un essai littéraire. Quant à l’essai philosophique, son introduction comme épreuve du baccalauréat n’est précédée d’aucune tradition dans le système scolaire ou universitaire français : les professeurs devraient donc s’y initier en même temps que leurs élèves.

Enfin, on s’interroge sur la compatibilité des exigences de ces nouveaux exercices avec celles de l’explication et de la dissertation philosophiques, auxquelles les élèves sont préparés en enseignement commun. La cohérence de l’enseignement de la philosophie est en jeu.

Des exigences et des enjeux disciplinaires concrets passés sous silence

Les Recommandations de l’IGEN se heurtent ainsi à une contradiction. Alors qu’elles ambitionnent de faire droit à deux enseignements disciplinaires, elles demandent aux IPR et aux professeurs de lettres et de philosophie de mettre en œuvre un programme et des épreuves qui font obstacle à cette ambition.

Il est certes noté, de façon énigmatique, que « l’apprentissage de l’interprétation et de la réflexion réunit les deux disciplines, selon des démarches qui peuvent être différentes ». Mais l’objet et les méthodes propres à chacune d’elles ne sont pas précisés. L’IGEN ne pallie pas sur ce point les carences et les opacités du programme.

Les Recommandations passent également sous silence la dissymétrie structurelle des disciplines qui composent cet enseignement : pour les élèves qui le choisiront, il est censé être la première rencontre avec la philosophie, alors qu’ils étudient les lettres depuis plusieurs années. Mais la découverte de la philosophie dans ces conditions ne peut être que brouillée.

Les Recommandations sont en revanche très explicites sur l’obligation pour les professeurs de philosophie et de lettres appelés à coopérer « en bonne cohérence », en se « constituant en binômes », notamment pour l’apprentissage des exercices écrits préparant aux nouvelles épreuves, et « en perspective du “grand entretien” lors des épreuves finales du baccalauréat ». Mais ce lourd travail supplémentaire non rémunéré ne s’appuie pas sur un programme d’enseignement disciplinaire ni sur des exercices appropriés.

La nécessité de programmes et d’épreuves séparés

L’APPEP n’a cessé de s’opposer à la spécialité HLP, qu’elle juge confuse et inadéquate. Les distinctions opérées par ces Recommandations contribuent à sortir du méli-mélo initial : distinction horaire, qui ouvre la possibilité d’un enseignement disciplinaire ; distinction disciplinaire, qui garantit la qualité intellectuelle de l’enseignement ; distinction de la correction et de l’évaluation, sans laquelle l’épreuve d’examen serait soumise à l’arbitraire. Mais, quels que soient les progrès, tant que le programme et l’épreuve resteront communs, les professeurs de philosophie seront condamnés à un bricolage qui n’est pas à la hauteur des enjeux d’un enseignement qui représente 16 % du baccalauréat pour les élèves qui le choisiront. Les discussions actuelles dans les établissements semblent indiquer que les professeurs de lettres ne sont pas moins inquiets que les professeurs de philosophie.

Afin de garantir l’autonomie disciplinaire que ces Recommandations s’efforcent de préserver, il convient donc, au minimum, de faire encore évoluer la spécialité HLP afin qu’elle soit composée de deux programmes et de deux épreuves distincts et autonomes.

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