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Réunion de consultation sur le programme d’Enseignement Moral et Civique (EMC)

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Participaient à la réunion :

Pour la Dgesco :

Laurent Bergez (chef du bureau des contenus pédagogiques et des langues) ; Nicolas Davieau ; Guillaume Gicquel (adjoint à la cheffe du bureau de l’égalité et de la lutte contre les discriminations) ; Jean Hubac (chef du service de l’accompagnement des politiques éducatives). 

Pour le Conseil supérieur des programmes :

Jérôme Grondeux (co-pilote du GEPP EMC).

Pour l’APDEN (Association des Professeurs Documentalistes de l’Éducation Nationale) :

Carole-Anne Bonnaud (présidente) ; Camille Brouzes (Bureau national).

Pour l’APHG (Association des Professeurs d’Histoire-Géographie) :

Christine Guimonnet (secrétaire générale) ; Mathieu Pilon (président de l’APHG Lorraine).

Pour l’Appep :

Nicolas Franck (Bureau national) ; Marie Perret (présidente).

Pour l’APSES (Association des Professeurs de Sciences Économiques et Sociales) :

Emmanuelle Calley (co-secrétaire générale) ; Anna Drueil (co-secrétaire générale).

Seules l’Appep, l’Apses, l’APHG et l’APDEN participaient à cette réunion de consultation.

La Dgesco :

Le projet de programme d’EMC a été publié le 30 janvier dernier. Une consultation est organisée du lundi 12 février au vendredi 15 mars auprès de l’ensemble de la communauté éducative. Parallèlement, la Dgesco a tenu à consulter les organisations syndicales et les associations disciplinaires. Cette consultation achevée, le projet de programme sera revu par le CSP puis transmis à la ministre pour une publication au Journal officiel courant mai. Le programme d’EMC couvrant l’ensemble de la scolarité des élèves, une incertitude demeure quant à sa mise en œuvre : le ministère n’a pas encore décidé si celle-ci se fera de façon globale ou par étape.

Il n’a pas été prévu de changer le « portage » de l’EMC : les professeurs d’histoire-géographie continueront de prendre en charge cet enseignement au collège. Pour le lycée, le ministère souhaite poursuivre l’ouverture à d’autres disciplines, en particulier les SES et la philosophie.

Les associations disciplinaires sont invitées à soumettre à la Dgesco une contribution écrite avant le 15 mars.

L’APHG :

Ce nouveau programme, clair et structuré, permet des innovations pédagogiques. Ses thèmes sont bien connectés au programme d’histoire-géographie et susceptibles d’intéresser les élèves. L’APHG demande de clarifier le statut des « grands textes » : leur étude sera-t-elle seulement indicative ou bien obligatoire ? Elle souhaite que le contenu d’enseignement « Défendre le cadre démocratique : sécurité et défense nationale » soit étudié en classe de troisième pour être mis en relation avec le programme d’histoire-géographie de ce niveau. Pour la même raison, le contenu d’enseignement « Les acteurs du jeu démocratique et leur engagement : l’opinion » devrait être enseigné en classe de quatrième. Il serait souhaitable, en outre, que les élèves étudient les différents partis politiques en première plutôt qu’en terminale, avant de devenir des électeurs. L’APHG interroge la Dgesco à propos de l’épreuve d’EMC du DNB : les professeurs d’histoire-géographie continueront-ils de la corriger ?

L’APDEN :

Les professeurs documentalistes se réjouissent de la contribution que l’EMC apporte à l’Éducation aux Médias et à l’Information (EMI), enseignement dont ils ont la charge. L’EMI, en effet, gagne à s’appuyer sur les disciplines. L’APDEN souligne le besoin d’une approche conceptuelle de l’EMI et juge souhaitable que les disciplines scientifiques (les sciences du numérique par exemple) apportent aussi leur contribution à cet enseignement. Elle demande que certains termes du programme d’EMC soient clarifiés. Elle déplore que les heures prévues pour l’EMI soient, dans certains collèges, transformées en heures d’EMC confiées aux professeurs d’histoire-géographie.

L’APSES :

L’APSES se réjouit de l’ancrage explicite de l’EMC dans les programmes de SES et de philosophie. Cette ouverture correspond à sa demande d’une approche pluridisciplinaire de l’EMC. Elle soulève le problème des moyens alloués à cet enseignement. L’EMC ne représente que 18 heures annuelles, dans des classes non dédoublées. De telles conditions rendent l’ambition du programme d’autant moins tenable que cet enseignement incite les élèves à une activité de recherche et suppose l’organisation de débats. L’APSES déplore que ce nouveau programme soit plus prescriptif que le précédent. Ainsi la deuxième colonne, qui présente les contenus d’enseignement, indique à chaque fois un plan pour aborder les thématiques, ce qui est peu compatible avec la formation des élèves à l’esprit critique et la liberté pédagogique des professeurs. L’APSES soulève la question de l’évaluation de l’EMC : les modalités actuelles (une note par trimestre comptant dans le contrôle continu) ne sont pas adaptées au travail que les élèves accomplissent en EMC, ni aux conditions d’enseignement. Enfin, l’APSES demande que la quatrième colonne du nouveau programme distingue plus clairement les références aux programmes disciplinaires des renvois aux dispositifs institutionnels, comme le fait le programme d’éducation à la sexualité.

L’Appep :

Nous estimons que ce programme, dans sa forme, est plus clair et structuré que le précédent : il indique très explicitement les notions qui doivent être abordées à chaque niveau, ainsi que les contenus d’enseignement. Nous nous réjouissons qu’il évoque, dans son préambule, « la perspective résolument interdisciplinaire » de l’EMC. Il était en effet opportun de rappeler que l’EMC n’est pas une discipline, mais un enseignement défini par un programme qui répond à l’ambition de former les élèves à « l’exercice et à une conscience claire de la citoyenneté ». L’interdisciplinarité est à nos yeux précieuse pour deux raisons : elle est d’abord enrichissante pour les élèves qui découvrent ainsi concrètement que les valeurs et les principes de la République sont un « bien commun » et donc un enjeu pour toutes les disciplines qui apportent à cet enseignement les méthodes, les concepts, les analyses et les ressources qui sont les leurs ; elle permet d’impliquer tous les professeurs dans la transmission des valeurs et des principes de la République, dès la formation initiale. L’Appep note avec satisfaction que le thème retenu pour l’année de terminale (« la vie démocratique : débat, délibération et prise de décision ») se prête particulièrement à une approche philosophique. La philosophie est en effet particulièrement habilitée à apprendre aux élèves à distinguer la nature, les finalités et les modalités des différentes discussions, à les faire réfléchir sur la façon dont celles-ci peuvent tenir compte les unes des autres, ou encore sur les principes qui doivent présider à une « éthique de la discussion ». L’Appep, enfin, juge opportune l’inscription, dans le programme, de la colonne intitulée « Dispositifs et éléments extérieurs à prendre en compte », qui renvoient notamment à d’autres programmes.

Sur ce point, l’Appep a des propositions d’amélioration à faire valoir, notamment sur la façon de rendre plus explicite et fluide le va-et-vient entre le programme d’EMC et celui de philosophie :

1/ La notion de « constitution » pourrait renvoyer à celle de justice, qui figure dans le programme de philosophie des voies générale et technologique. Cette notion, en effet, ne doit pas seulement être l’objet d’une présentation factuelle. Les élèves, du reste, l’interrogent spontanément à partir de l’idée de justice.

2/ La notion de « citoyenneté active » pourrait être mise en lien avec la notion de liberté (dans la mesure où celle-ci ne consiste pas seulement à exercer un droit individuel, mais implique aussi cette double dimension de la responsabilité et de l’engagement). Elle pourrait aussi renvoyer à la distinction entre contrainte et obligation qui figure dans les repères du programme de philosophie, distinction essentielle et toujours éclairante pour les élèves.

3/ La notion d’« opinion publique », qui invite les élèves à étudier les rapports entre théories scientifiques, médias et opinion publique et à s’interroger sur la provenance des discours dits scientifiques, pourrait être mise en lien avec la notion de science, mais aussi avec celles de raison et de vérité qui permettent de réfléchir sur les conditions d’objectivité et de partage d’un discours ayant pour visée de s’adresser à la communauté des citoyens. Dans le même sens, la notion d’opinion publique gagnerait à être éclairée par ces repères du programme de philosophie que sont les distinctions persuader/convaincre, croire/savoir, objectif/subjectif/intersubjectif, vrai/probable/certain ou encore public/privé. Toutes ces distinctions permettent, en effet, de mieux comprendre en quoi consiste la portée d’un argument, sa valeur épistémologique, mais aussi sa pertinence dans un débat public.

Ces renvois contribueraient à conforter l’assise conceptuelle du programme d’EMC. Une telle assise permet de dissiper les confusions auxquelles prête la notion de démocratie et de clarifier les enjeux des questions que les élèves posent spontanément à propos de la vie démocratique. Ces renvois, de plus, conforteraient les professeurs de philosophie dans leur demande de prendre en charge l’EMC, tout particulièrement en terminale. De fait, ils sont très souvent écartés de cet enseignement, ce qui prive les élèves de l’approche critique, conceptuelle et synthétique qu’apporte la philosophie. Cette situation de fait est d’autant plus dommageable que la philosophie permet de « déminer le terrain ». Les élèves savent que sa vocation est moins de transmettre des savoirs doctrinaux que d’interroger, de faire apparaître les raisons pour lesquelles une question se pose et les difficultés qu’elle soulève. La philosophie permet en outre de remonter aux principes, en faisant apparaître ce qui les fonde et ce qui les justifie. Cette démarche est particulièrement propice à l’instauration d’un climat de confiance entre le professeur et ses élèves.

De façon plus générale, l’Appep estime qu’abandonner l’EMC à une seule discipline est triplement préjudiciable :

1/ C’est une solution de facilité. Or, les principes de la République ne sont pas des principes faciles. Aucune discipline ne peut prétendre déployer et éclairer à elle seule toute la complexité, les nuances, les implications et les enjeux des principes et des valeurs de la République. D’où le besoin d’une approche réellement pluridisciplinaire.

2/ Laisser croire que l’EMC appartient à une discipline démotive les professeurs. En philosophie, cette démotivation est, hélas, patente : beaucoup de nos collègues ne s’impliquent pas dans l’EMC parce qu’ils partent du principe que cet enseignement ne les concerne pas puisque, de toute façon, il ne leur sera pas confié. Certains ont même renoncé à demander ces heures. De façon plus générale, faire de l’EMC un enseignement effectivement pluridisciplinaire représente un enjeu pour l’engagement de chaque professeur dans la transmission des valeurs et des principes de la République.

3/ Cette situation de monopole induit insidieusement une séparation et une hiérarchie entre une discipline et toutes les autres, qui se trouvent réduites au rang de disciplines de seconde catégorie et qui doivent se battre, chaque année, pour faire valoir leur droit à prendre en charge cet enseignement.

Aussi l’Appep attend-elle une politique volontariste du ministère pour que cette perspective résolument pluridisciplinaire de l’EMC ne reste pas un vœu pieux, mais soit effective.

L’Appep souhaite, enfin, évoquer les difficultés pratiques que pose actuellement l’EMC :

1/ la contradiction flagrante qui demeure entre les ambitions affichées par le gouvernement et les moyens alloués à l’EMC — une heure seulement par quinzaine, qui plus est, en classe entière, c’est-à-dire avec des groupes la plupart du temps pléthoriques ;

2/ la question de l’évaluation : comment évaluer les élèves par une moyenne trimestrielle quand on ne les voit qu’une fois tous les quinze jours ?

Il y a urgence à revaloriser l’horaire d’EMC en le portant à une heure hebdomadaire pour tous les élèves. Parce que cet enseignement exige des élèves un travail personnel de documentation et ménage une large part au dialogue, nous jugeons impératif que les cours d’EMC aient lieu en demi-groupes. Nous demandons, enfin, que les modalités de son évaluation soient revues. Le travail accompli par les élèves en EMC pourrait ainsi être évalué par une appréciation générale trimestrielle.

Réponses de la Dgesco :

La question du statut des « grands textes » n’a pas encore été tranchée. Cette demande a été formulée par le président de la République. À tout le moins, ce seront des textes que tous les élèves devront lire. Il est par ailleurs envisagé de clarifier la quatrième colonne et de la rendre plus homogène en renvoyant aux seuls programmes disciplinaires.

Remarques finales de l’Appep :

En raison d’une cérémonie de remise de médaille qui n’avait pas été anticipée, la réunion est écourtée. Elle n’aura finalement duré qu’une heure au lieu de l’heure et demie initialement prévue. Nous le regrettons : si nous avons disposé d’un temps suffisant pour exposer nos analyses et nos demandes, nous n’avons reçu aucune réponse de nos interlocuteurs.

Nous avons introduit dans ce compte rendu nos suggestions d’amélioration du programme. Celles-ci ont été par ailleurs transmises sous la forme d’une note à la Dgesco.