Le Bureau national de l’Appep
Les Présidentes et Présidents de Régionales de l’Appep
Le 17 décembre 2025
Monsieur le Ministre,
Nous nous réjouissons de l’intention que vous avez exprimée dans Le Parisien du 5 décembre 2025 de « redonner de la crédibilité au bac ». Voilà plusieurs années que nous constatons et dénonçons les obstacles structurels à une véritable préparation de l’examen et leurs effets sur la pratique de la philosophie, si essentielle à l’année de terminale.
Nous nous interrogeons en revanche sur les mesures que vous annoncez. Suffira-t-il, pour stopper la chute libre de l’examen vers le statut de certificat d’assiduité, d’empêcher tout repêchage des candidats dont la moyenne générale serait inférieure à 8/20 et de plafonner tout coup de pouce du jury à un demi-point sur 20 pour ceux dont la moyenne est supérieure ou égale à 8 ?
Ne faut-il pas, plutôt que faire preuve de sévérité in extremis, s’inquiéter des conditions de préparation de l’examen et plus largement de sa structure ? Ne faut-il pas en finir avec ce qui fait obstacle à l’apprentissage serein, comme la place excessive donnée au contrôle continu et l’inutile lourdeur du processus Parcoursup ? A-t-on assez mesuré combien l’introduction massive du contrôle continu dans l’examen était dommageable non seulement à l’examen lui-même, mais aussi à toute l’année de sa préparation ?
Comme vous le dites, Monsieur le Ministre, les professeurs savent noter avec équité et discernement, « c’est leur métier ». Mais n’est-ce pas un métier bien difficile à exercer sous la triple pression des élèves, de leurs parents, de l’administration et aussi, bien souvent, sous la pression de l’inspection ? N’est-ce pas quelque chose qui explique l’élévation parfois absurde des notes dans le contrôle continu, processus encouragé par la concurrence entre les spécialités ? Cette tendance est-elle honnête envers les élèves ? Cela ne contredit-il pas leur besoin de mesurer leurs progrès effectifs ?
Pourquoi ne pas reconnaître que c’est la quasi-suppression du principe même de l’examen final qui a démonétisé le baccalauréat, bien plus qu’une prétendue pusillanimité des professeurs-correcteurs ? Que penser d’un baccalauréat qui fait une place si large à un « grand oral » dont le caractère fumeux et inéquitable continue de s’étaler sans honte aux yeux de tous, avec un coefficient égal ou supérieur à celui de l’épreuve de philosophie ? Vous parliez de la nécessité d’une équivalence de l’évaluation de Point-à-Pitre à Strasbourg et de Marseille à Lille. N’est-ce pas le moment de prendre de nouveau au sérieux le concept d’épreuves nationales, finales et anonymes qui, loin d’être un slogan vain et désuet, est la condition même d’une équité trop souvent négligée sous le fallacieux prétexte de « l’autonomie des établissements » ?
Sans aucun doute, Monsieur le Ministre, il est urgent de mettre en avant la peine de nombreux candidats à surmonter les difficultés de l’expression écrite et de lutter contre un niveau d’orthographe et de syntaxe souvent déplorable. C’est une cause d’injustice en ce qu’elle constitue pour beaucoup un obstacle à l’exercice de la réflexion en philosophie, discipline qui donne l’occasion, à tous les élèves des voies générale et technologique, de recourir à l’expression écrite pour assumer pleinement l’acte de penser par eux-mêmes.
Or cela se prépare, vous le savez. Non certes au sens où il s’agirait d’apprendre à tenir un discours attendu ; mais au contraire parce que penser par soi-même se gagne contre la disposition à tenir mécaniquement un discours tout fait.
N’est-il donc pas temps, dans l’optique même d’une authentique réappropriation de l’expression écrite, d’accorder enfin de manière systématique, aux professeurs de philosophie qui le demandent, la possibilité de travailler en filière technologique avec des demi-groupes ? Ne faut-il pas que le ministère donne aux chefs d’établissement la responsabilité d’organiser le nombre de « bacs blancs » nécessaires à la préparation de l’épreuve de philosophie, alors que les professeurs restent si souvent contraints, pour faire en sorte que leurs élèves arrivent suffisamment préparés au baccalauréat, de négocier sans succès garanti avec leurs collègues et de se battre avec des emplois du temps qui rendent la tâche presque impossible ? Le refus de telles décisions au prétexte de « l’autonomie des établissements » est d’autant moins acceptable que c’est la mission première de l’enseignant qui est en jeu.
Enfin il est urgent, Monsieur le Ministre, que votre administration renonce à son discours lénifiant et dangereux sur les bienfaits et les usages possibles de l’IA dans les évaluations. Le problème n’est plus seulement la quasi-impossibilité de pouvoir compter sur l’investissement de l’élève dans un écrit personnel composé en dehors de la classe. Une tendance à la triche généralisée se dessine, y compris dans les devoirs surveillés. Les élèves s’en plaignent. Une iniquité prend racine. Ce n’est pas être technophobe que de reconnaître qu’un combat doit être mené.
Pour que « redonner de la crédibilité au bac » ne reste pas un vœu pieux, un certain nombre de décisions sont à prendre, dont certaines auxquelles le ministère s’est jusqu’ici refusé avec constance. Nous espérons que vous l’engagerez dans une autre direction. Il n’en va pas seulement de la valeur de l’examen et de l’avenir de notre discipline. Il en va aussi de l’avenir de nos élèves et de la satisfaction de leur exigence de justice.
Croyez, Monsieur le Ministre, en notre entier dévouement,
Vincent Renault, Président de l’Appep
Le Bureau national de l’Appep
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