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Rencontre avec le directeur du Cabinet du ministre de l’Éducation nationale

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Conformément à l’engagement qui avait été pris lors de notre rencontre avec Jean-Michel Blanquer, l’APPEP a été reçue le 8 février 2018 par M. Christophe Kerrero, directeur de Cabinet du ministre de l’Éducation nationale. Il était accompagné de Madame Isabelle Bourhis (conseillère sociale, partenariats et vie scolaire) et David Muller (Dgesco, adjoint au chef du bureau des contenus d’enseignement et des ressources pédagogiques).

L’APPEP était représentée par Nicolas Franck et Marie Perret.

Présentation du projet de réforme du baccalauréat par M. Kerrero

Monsieur Kerrero nous présente le projet de réforme du baccalauréat, dont les derniers arbitrages seront rendus d’ici mercredi 14 février.

Il confirme que le baccalauréat comprendra quatre épreuves terminales, représentant 60 % du baccalauréat : la philosophie, le « grand oral » qui s’appuiera sur les deux disciplines de spécialité et sur l’enseignement de culture scientifique, et deux épreuves de spécialité qui seront passées à la rentrée des vacances de printemps.

La question du maintien des épreuves du second groupe n’est pas encore tranchée.

Les autres disciplines seront évaluées dans le cadre d’un CCF : deux épreuves communes seront organisées en Première, une en Terminale au mois de janvier. Les sujets seront tirés au sort dans une banque nationale.

Le français donnera lieu à deux épreuves terminales, écrite et orale, en fin de première.

Le lycée ne connaîtra pas de transformation majeure. Les seules modifications découleront de la nouvelle architecture du baccalauréat. Les modifications ne devront pas désorganiser les établissements. Il n’y aura pas de semestrialisation, les emplois du temps ne seront donc pas remaniés en cours d’année scolaire.

L’enjeu de la réforme est de renforcer la maîtrise de la langue française à l’écrit et à l’oral, de développer l’esprit critique et de consolider la culture scientifique.

La philosophie, « discipline phare », doit occuper une place centrale et régulatrice : elle doit donner aux élèves une armature intellectuelle forte pour affronter le monde d’aujourd’hui, elle doit faire partie de la culture du citoyen du xxie siècle, elle assurera une fonction de passage vers l’enseignement supérieur en leur apportant l’appareil critique dont ils auront besoin dans la poursuite de leurs études. Il s’agit de «remettre la raison au cœur de notre système éducatif».

Interrogations sur le contrôle en cours de formation (CCF)

L’APPEP est attachée au caractère national et anonyme du baccalauréat, premier grade de l’enseignement supérieur.

Nous manifestons notre surprise devant le projet de CCF : il arrive trop tôt dans l’année, à un moment où les programmes ne seront traités que pour moitié. Cette date précoce risque de créer un absentéisme massif et inédit dans toutes les disciplines qui ne feront pas l’objet d’une épreuve terminale.

M. Kerrero nous répond que la réforme vise à renforcer le baccalauréat. Selon lui, le problème de l’assiduité des élèves est généré par le dispositif actuel, qui détourne les élèves des cours après la clôture d’APB. Or, dans le nouveau dispositif, l’assiduité comptera pour l’obtention du baccalauréat et l’inscription dans le Supérieur.

Nous nous montrons très dubitatifs, et une discussion sur cette réforme du baccalauréat s’ensuit, que M. Kerrero clôt en nous demandant de nous concentrer sur la philosophie.

La place de la philosophie, les horaires et les services

Nous remercions M. Kerrero pour ses belles paroles sur la philosophie. Nous sommes convaincus de l’importance de notre enseignement et de ses enjeux intellectuels et démocratiques. Nous savons mieux que quiconque à quel point les élèves ont besoin de distinguer le vrai du vraisemblable, d’évaluer la consistance des discours, de hiérarchiser les arguments, de dialoguer de manière réfléchie avec eux-mêmes et avec les autres, de remonter aux principes de leurs représentations. Nous nous réjouissons que le ministère reconnaisse la force de la philosophie.

Mais qualifier l’épreuve de philosophie d’ « universelle » ne fait que confirmer ce qu’elle est déjà, puisque tous les élèves passent une épreuve terminale de philosophie. Pour que la force reconnue à la philosophie soit effective et pas seulement symbolique, les élèves et leurs professeurs ont besoin de temps.

Les élèves rencontrent la philosophie en Terminale et ont besoin de temps pour développer leur intelligence critique et se confronter à l’exercice difficile de la pensée. Nous soulignons à quel point la perte du dédoublement en série technologique et de la quatrième heure en série scientifique a pu affecter notre enseignement. Faute d’un horaire suffisant, l’enseignement de la philosophie risque d’apparaître aux élèves comme un combat d’opinions stérile, sophistique et agonistique, alors qu’il a vocation à former au dialogue apaisé par une élucidation raisonnée et stimulante des représentations et des situations.

Nous demandons que cet horaire suffisant dont les élèves ont besoin soit nationalement garanti.

Nous précisons que les professeurs de philosophie, qui n’ont que des classes d’examen, ne doivent pas avoir plus de quatre classes. Ils ont besoin de temps pour continuer à se former intellectuellement, lire et maintenir une pensée vivante.

Nos interlocuteurs nous donnent acte qu’un horaire trop faible empêche l’enseignement de la philosophie de remplir sa mission.

En revanche, ils n’entendent pas nos demandes sur les services. Une discussion vive s’engage, au terme de laquelle ils nous donnent la garantie qu’il n’y aura pas de perte d’heures.

Nous disons notre vive inquiétude de la baisse du nombre de postes aux concours. Il nous est répondu que l’effectif global des professeurs de philosophie est stable et qu’il n’est pas question de faire des économies sur le dos des disciplines.

Les filières

Nous abordons ensuite l’avenir des filières et notamment celui de la série L. Nous apprenons que les arbitrages portant sur la nouvelle architecture du lycée ne sont pas encore rendus. Le ministère est néanmoins très préoccupé du déséquilibre des séries : la S est une série généraliste et la L est en déclin. Nos interlocuteurs considèrent que les huit heures de philosophie détournent les élèves de la série L.

Nous contestons en vain cette idée et proposons de reconstruire un pôle arts-langages-cultures, structuré autour du français en première et de la philosophie en terminale.

Nos interlocuteurs penchent plutôt pour un rééquilibrage de l’horaire de philosophie entre les séries L et S, en précisant que globalement, la philosophie ne perdrait pas d’heures.

Programme et épreuves

M. Kerrero accorde la plus grande importance aux programmes d’enseignement. Leur réécriture doit être l’occasion d’un renforcement des disciplines et d’une meilleure formation intellectuelle des élèves. L’accent sera particulièrement mis sur la maîtrise de la langue. Le CSP sera officiellement saisi dans les prochaines semaines.

Nous rappelons notre attachement à un programme de notions communes, qui renvoient à l’expérience familière de chacun, et donnent aux élèves l’occasion d’éclaircir leur pensée et de mieux comprendre le réel . Un programme de notions donne à la philosophie cette dimension d’universalité à laquelle le ministère est attaché.

Il nous est demandé ce que nous pensons des actuelles épreuves de philosophie, qui doivent être revues à l’occasion de la refonte des programmes. Nous répondons que la dissertation et l’explication de texte sont les exercices les plus appropriés à la réflexion philosophique. La dissertation permet aux élèves d’ordonner leur pensée, d’instaurer un rapport critique à leurs représentations spontanées, et de clarifier ce dont ils parlent. L’explication de texte permet aux élèves de développer leur propre réflexion, en se confrontant à une pensée singulière, de prime abord étrangère.

Nous sommes favorables à une redéfinition de l’épreuve en série technologique, ce qui suppose une concertation de la profession.

À propos de l’épreuve de composition dans la série STHR, nous craignons que la multiplication des questions soit une multiplication des difficultés pour les candidats. Il faudrait leur laisser la liberté de traiter la question de dissertation sans répondre systématiquement aux questions qui la suivent.

EMC et épistémologie

Nous les interrogeons sur le devenir de l’EMC. Il nous est répondu que cet enseignement ne devrait pas être abandonné, mais que ses programmes seront redéfinis. Les professeurs de philosophie seront associés à cette redéfinition et à la prise en charge de cet enseignement.

Nous rappelons l’importance de la tradition épistémologique en France. L’enseignement de culture scientifique pourrait être l’occasion de lui donner toute sa place dans l’enseignement secondaire.

Enseignement de la philosophie dans la voie professionnelle

Nous demandons à être entendus par la mission « transformation de la voie professionnelle scolaire ». Il nous est répondu que les auditions sont terminées, mais qu’il nous est toujours possible de lui adresser une contribution – ce que nous ferons.

Calendrier du baccalauréat pour la session 2018

Enfin, nous abordons le calendrier du baccalauréat. Nous rappelons avoir adressé deux lettres, l’une interassociative et intersyndicale le 15 janvier dernier, l’autre le 1er février, demandant que l’épreuve ait lieu le 13 juin afin de permettre une correction sereine. Il nous est répondu qu’en raison des contraintes de calendrier, il était impossible d’avancer l’épreuve, mais que le ministère s’engageait à demander aux services chargés de l’organisation du baccalauréat, et tout particulièrement au SIEC, de mettre le plus tôt possible les copies à la disposition des correcteurs, et de retarder au maximum la date de la remontée des notes.

Pétition de la Conférence

Pour conclure, nous remettons à nos interlocuteurs la lettre de 13 associations au ministre qui a rassemblé 9000 signatures. Elle expose les raisons de l’inquiétude des professeurs, adresse de fortes objections au rapport Mathiot et, en conséquence, demande un moratoire sur la réforme. Nous rappelons que la Conférence demande une audience au ministre.

Il nous est répondu que le temps est contraint et que les associations sont reçues séparément.

Après une heure quarante d’une discussion franche et directe, nous remercions nos interlocuteurs de nous avoir reçus.

Compte rendu rédigé par Nicolas Franck et Marie Perret.