I.9 – Portée de la charte de la laïcité dans les services publics

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Benoît Normand qui fut secrétaire général du Haut Conseil à l’intégration, expose la portée de la charte de la laïcité dans les services publics, notamment à l’hôpital. La considération de l’intérêt général est un l’un des éléments structurants des services publics dans une République solidaire. Il en est de même de l’observation du principe d’égalité des droits devant les services publics. La neutralité laïque est une condition nécessaire de la mise en œuvre effective de ces deux principes. La laïcité permet également de rechercher des équilibres entre les attentes particulières de certains usagers et les principes d’intérêt général et d’égalité de traitement, lorsque l’usager est en situation de faiblesse, comme c’est le cas du patient en milieu hospitalier.

 

Si le principe de laïcité n’est pas un principe à géométrie variable, son degré d’exposition est très variable. Lors de nos auditions, les agents des services publics nous ont confirmé être confrontés à une approche consumériste de la part des usagers. Une telle approche heurte les principes fondamentaux et en particulier le principe de laïcité. En revanche, la demande de laïcité est toujours bien présente dans les services publics et dans une perspective d’intérêt général. Les faits ont démontré que la question ne devait pas être abordée d’un point de vue sectoriel, mais qu’il y avait cependant lieu de distinguer la nature des services.

Nous avons distingué ainsi les services publics d’accueil durable des autres services publics. Les services publics d’accueil durable sont les services dit « fermés » dans lesquels l’usager est accueilli pour un temps long (plusieurs jours). Dans un service public d’accueil durable, le gestionnaire de service est tenu de respecter la liberté de conscience des usagers, mais aussi de permettre l’exercice de leur culte. Il s’agit principalement des services publics hospitaliers, pénitentiaires ou encore des armées. Le cas des services hospitaliers nous montre les difficultés de la limite à donner au champ d’application de la laïcité.

Trois difficultés relatives à la laïcité sont propres au milieu hospitalier. La première difficulté concerne l’accueil des patients. Un équilibre est à trouver entre le respect de la laïcité et les droits des malades garantis notamment par la charte du patient hospitalisé. Le point de friction principal tient au droit du patient à pouvoir choisir son praticien. Ce droit doit être respecté, hormis cependant les situations d’urgence.

La seconde difficulté est d’ordre éthique. Il résulte de la loi que le patient dispose d’un droit à donner son consentement à tout traitement médical. Ce droit relève d’une liberté à caractère fondamental. Cependant, dans un arrêt de 2002, le Conseil d’État a estimé qu’il n’y avait pas d’atteinte grave à cette liberté lorsque des médecins avaient tout mis en œuvre pour convaincre un patient qu’un acte était indispensable à sa survie et que celui-ci l’avait refusé. Dans ces situations, à la croisée de l’éthique et du droit, une instance médicale spéciale doit pouvoir intervenir pour éclairer les médecins.

Le troisième type de difficultés est relatif à la vie quotidienne au cours d’un long séjour à l’hôpital. Des règles de comportement doivent être soumises au respect des équipes soignantes et des autres malades notamment en ce qui concerne les règles d’hygiène. À cet égard, le dernier alinéa de la charte est particulièrement explicite.

 

Benoît NORMAND, « Champ d’application de la charte de la laïcité dans les services publics », Laïcité dans la fonction publique. De la définition du principe à son application pratique, La Documentation française, 2012, p. 98.

 

Chapitre II – Du mot à l’idée

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