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Compte rendu d’une audience au Cabinet du ministre

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À la suite du communiqué de l’APPEP « La philosophie en vitrine, son enseignement menacé », une réunion a été organisée d’urgence le 20 mars au Cabinet du ministre de l’Éducation nationale par Isabelle Bourhis, conseillère sociale, partenariats et vie scolaire. Outre l’APPEP, représentée par Nicolas Franck, l’ACIREPh et la SOP.PHI participaient à la rencontre, à laquelle assistait Nicolas Ginsburger, adjoint au chef de bureau des lycées généraux et technologiques à la Dgesco.

Les demandes de l’APPEP

Sans revenir sur la présence de la philosophie dans le socle commun et en épreuve terminale, qui ne fait que confirmer ce qui existe déjà, l’APPEP regrette que le ministère sous-estime le rôle structurant pour les élèves et l’importance pour leurs professeurs de l’enseignement de la philosophie en Terminale L.

Le travail patient et approfondi mené en Terminale L disparaîtra avec le nouveau dispositif. Si peu d’élèves, sans doute, choisissent la série L pour la philosophie, beaucoup y reçoivent une formation exigeante et une authentique armature intellectuelle grâce à la philosophie : c’est au cours de l’année scolaire ou après-coup qu’ils se réjouissent d’avoir suivi cet enseignement approfondi.

Les élèves seront donc peu nombreux à choisir la spécialité « Humanités, lettres, philosophie ». Cette spécialité, qui disperse l’actuel enseignement sur deux années entre des groupes d’élèves hétérogènes, ne pourra pas jouer de rôle structurant. Par la réduction automatique de trois spécialités à deux, un bon tiers des élèves de Première ayant suivi la spécialité l’abandonneront l’année suivante, dans un contexte de concurrence délétère et anxiogène entre les spécialités. Ce n’est pas seulement une formation intellectuelle exigeante qui est effacée, mais les départements de philosophie qui sont menacés, puisque la moitié de leurs étudiants viennent de la filière L.

L’APPEP rappelle qu’il y a en France au moins 2300 Terminales L, et même près de 3000, si l’on en croit les chiffres de la Cour des comptes. C’est donc au moins un professeur sur deux qui en a une chaque année et plus de deux sur trois tous les deux ans.

Après son audition par le Conseil supérieur des programmes, l’APPEP confirme ses inquiétudes et ses questionnements sur l’organisation de la spécialité :

  • nous voulons savoir si d’autres disciplines que les lettres et la philosophie seront enseignées dans la spécialité « Humanités, lettres, philosophie » ;
  • nous demandons un cadrage national garantissant dans tous les établissements une répartition horaire égale entre les lettres et la philosophie (2 h en Première, 3 h en Terminale) ;
  • nous demandons également la garantie que cette spécialité soit proposée dans tous les lycées ;
  • nous exigeons enfin que l’épreuve terminale de spécialité soit constituée de deux exercices distincts, l’un de lettres, l’autre de philosophie, chacun corrigé par un professeur de la discipline concernée, afin d’éviter l’indifférenciation disciplinaire.

Les intentions du ministère.

Isabelle Bourhis répond que la philosophie n’est pas seulement « en vitrine » et que le ministère a un réel souci d’offrir aux élèves ce qu’elle apporte : analyse, réflexion, recul critique. Elle s’étonne de notre réaction, car le ministère a entendu les demandes insistantes des professeurs de philosophie sur les besoins horaires, notamment lors de l’audience de l’APPEP auprès du chef de Cabinet du ministre en février dernier. Cette demande a été acceptée et les élèves ont maintenant 4 h de philosophie dans le socle commun. Il a été reproché au ministère de donner trop d’heures à la philosophie et à l’histoire-géographie dans le tronc commun. Il est donc injuste et faux de considérer que la philosophie ne relèverait que d’un souci d’affichage. Isabelle Bourhis redit alors sa grande surprise à la lecture de notre dernier communiqué et ne comprend pas notre réaction. Le ministère pensait tout au contraire que l’APPEP saluerait cette avancée. Elle nous fait confiance pour être force de proposition auprès du Conseil supérieur des programmes.

Sur la « discipline de spécialité »

Aux questions précises qui lui sont posées sur la spécialité « Humanités, lettres philosophie », Isabelle Bourhis finit par répondre :

  • seuls les professeurs de lettres et de philosophie sont appelés à prendre en charge cet enseignement ;
  • cet enseignement sera de lettres et de philosophie ; si des liens intéressants peuvent être établis avec l’enseignement facultatif « Lettres et cultures de l’antiquité », les langues anciennes ne seront pas enseignées dans la spécialité ;
  • l’intention n’est pas de flécher les horaires, il faut de la souplesse dans la répartition des heures pour que les établissements puissent s’organiser en fonction des projets qui seront proposés par les professeurs ;
  • la spécialité ne sera pas proposée dans tous les lycées, mais il faut raisonner à l’échelle du bassin ; cela doit permettre de renforcer l’attractivité de certains lycées qui proposeront des spécialités qu’on ne trouve pas dans d’autres ;
  • quant aux copies et aux épreuves, il n’est pas envisagé d’exercices ni de corrections séparés, si bien que l’épreuve de spécialité, qui représente 16 % du baccalauréat, pourra être corrigée indifféremment par un professeur de lettres ou de philosophie au mépris des spécificités disciplinaires.

Isabelle Bourhis dit sa confiance en l’avenir et nous demande de la partager au lieu d’être dans une approche négative. Elle considère que la spécialité sera fortement choisie. Elle explique que, dans l’enseignement supérieur, la Banque d’épreuves littéraires (BEL) a renforcé les CPGE littéraires. La spécialité « Humanités, lettres, philosophie » est appelée à jouer un rôle similaire dans le secondaire.

Pour clarifier le contenu de l’enseignement de spécialité, l’APPEP propose de l’intituler « Lettres et philosophie », ou, au minimum que la virgule qui suit le mot humanités soit remplacée par deux-points : « Humanités : lettres et philosophie » au lieu de « Humanités, lettres, philosophie ».

L’APPEP redit son désaccord ferme et définitif sur l’absence de cadrage national de la répartition horaire entres les disciplines, sur l’incertitude de la présence de la spécialité dans tous les lycées et, bien évidemment, sur le coup de force qui consiste à créer une discipline artificielle « Lettres-philosophie » en imposant une épreuve et une correction communes. Nous sommes loin du renforcement disciplinaire auquel le ministre s’était engagé.

Sur l’organisation de « la discipline de spécialité », l’ACIREPh défend les mêmes positions que l’APPEP. La SOP.P.HI en revanche se satisfait des propositions ministérielles.

Sur le coefficient

À propos du coefficient de l’épreuve terminale, inférieur dans toutes les séries à ce qu’il est aujourd’hui, Isabelle Bourhis n’y voit pas un affaiblissement de la philosophie puisqu’il faut également considérer la part que la philosophie aura dans la prise en compte des bulletins. Elle rappelle le souci du ministère d’un baccalauréat plus marqué par les spécialités.

L’APPEP remercie Isabelle Bourhis pour cet échange qui n’est malheureusement pas de nature à rassurer les professeurs de philosophie.

Compte rendu rédigé par Nicolas Franck.